FABRE D’EGLANTINE, Philippe



L’hospitalité / L’orage / Il pleut, il pleut, bergère


Il pleut, il pleut, bergère,
Presse tes blancs moutons,
Allons sous ma chaumière,
Bergère, vite, allons.
J'entends sur le feuillage
L'eau qui tombe à grand bruit ;
Voici, voici l'orage,
Voici l'éclair qui luit.

Bonsoir, bonsoir, ma mère,
Ma soeur Anne, bonsoir !
J'amène ma bergère
Près de nous pour ce soir.
Va te sécher, ma mie,
Auprès de nos tisons.
Soeur, fais-lui compagnie ;
Entrez, petits moutons.

Soupons: prends cette chaise,
Tu seras près de moi ;
Ce flambeau de mélèze
Brûlera devant toi :
Goûte de ce laitage ;
Mais tu ne manges pas ?
Tu te sens de l'orage ;
Il a lassé tes pas.

Eh bien, voici ta couche ;
Dors-y jusques au jour ;
Laisse-moi sur ta bouche
Prendre un baiser d'amour.
Ne rougis pas, bergère :
Ma mère et moi, demain,
Nous irons chez ton père
Lui demander ta main.



Je t’aime tant


Je t’aime tant, je t’aime tant :

Je ne puis assez te le dire,

Et je le répète pourtant

A chaque fois que je respire.

Absent, présent, de près, de loin,

Je t’aime est le mot que je trouve :

Seul, avec toi, devant témoin,

Ou je le pense ou je le prouve.


Tracer je t’aime en cent façons

Est le seul travail de ma plume ;

Je te chante dans mes chansons,

Je te lis dans chaque volume.

Qu’une beauté m’offre ses traits,

Je te cherche sur son visage ;

Dans les tableaux, dans les portraits

Je veux retrouver ton image.


En ville, aux champs, chez moi, dehors,

Ta douce image est caressée ;

Elle se fond, quand je m’endors,

Avec ma dernière pensée ;

Quand je m’éveille, je te vois

Avant d’avoir vu la lumière,

Et mon cœur est plus vite à toi

Que n’est le jour à ma paupière.


Absent, je ne te quitte pas ;

Tous tes discours, je les devine.

Je compte tes soins et tes pas ;

Ce que tu sens, je l’imagine.

Près de toi suis-je de retour,

Je suis aux cieux, c’est un délire ;

Je ne respire que l’amour,

Et c’est ton souffle que j’aspire.


Ton cœur m’est tout. mon bien, ma loi,

Te plaire est toute mon envie ;

Enfin, en toi, par toi, pour toi,

Je respire et tiens à la vie.

Ma bien-aimée, mon trésor !

Q’ajouterai-je à ce langage ?

Dieu ! que je t’aime ! Eh bien ! encore

Je voudrais t’aimer davantage.