CLIFF, William
    
      
    
      
    Dans l’ancien temps
  
    
      
    Dans les temps très anciens, lorsque j’étais « heureux »,
  
je prenais un grand bain chaque vendredi soir,
puis je sortais en ville avec un air peureux,
espérant que quelqu’un allait m’apercevoir.
    
      
    Et j’allais m’entasser dans ces folles cohues,
  
dans ces caves rompues de décibels cruels,
je jetais mes regards vers des vies inconnues,
vers des gens attendant de merveilleux duels.
    
      
    Réglages de confidentialité
  
Et nous rentrions par les défilés de la ville,
nous remontions mes cinq étages, nous allions
nous rouler corps à corps dans l’étreinte fébrile,
nous aimant jusqu’à ce que nous éjaculions.
    
      
    Au matin, prétextant n’importe quoi, je jette
  
cet amour usagé dans la ville déserte.
    
      
    
      
    Mélancolie
  
    
      
    quand j'étais un enfant tout seul dans la campagne
  
et que le ciel béant me tombait sur la tête
et que la mer autour murmurait pour venir
lentement m'enfermer dans sa marée pourrie
    
      
    quand avec ma culotte infecte et ridicule
  
je montrais mes genoux cagneux et que j'étais
un insecte perdu dans l'humeur infinie
des adultes mauvais qui crachaient leurs blasphèmes
    
      
    alors je m'arrêtais un instant sur la grève
  
et je portais ma main sur ma figure pour
ne plus voir l'horreur d'être né sur cette terre
et d'attendre toujours que se lève le jour
    
      
    
      
    un jour j’eus la révélation de la littérature
    
      
    
      
    un jour j’eus la révélation de la littérature
  
dans le récit que fait Chateaubriand de son enfance
de la terreur qu’il eut devant son père et de sa dure
condition d’enfant à Combourg dont la sinistre ambiance
    
      
    le soir avec ce père qui n’arrêtait pas de faire
  
armé d’un bonnet dressé sur sa tête les cent pas
me rappelait celle qui aussi me terrorisa
dans mon enfance avec un père aussi autoritaire
    
      
    j’appris par ce récit n’être plus tout seul à souffrir
  
ce fut comme un voile levé sur mon âme sauvage
écrire devint pour moi le geste qui relie
    
      
    tous ceux qui ont senti au fond d’eux-mêmes ces messages
  
graves que le monde méprise et tourne en dérision
mais dont par la littérature on a la révélation