SYLVESTRE, Anne


Les gens qui doutent

J'aime les gens qui doutent

les gens qui trop écoutent

leur cœur se balancer

J'aime les gens qui disent

et qui se contredisent

et sans se dénoncer

J'aime les gens qui tremblent

que parfois ils nous semblent

capables de juger

J'aime les gens qui passent

moitié dans leurs godasses

et moitié à côté

J'aime leur petite chanson

même s'ils passent pour des cons

J'aime ceux qui paniquent

ceux qui sont pas logiques

enfin, pas "comme il faut"

Ceux qui, avec leurs chaînes

pour pas que ça nous gêne

font un bruit de grelot

Ceux qui n'auront pas honte

de n'être au bout du compte

que des ratés du cœur

pour n'avoir pas su dire :

"Délivrez-nous du pire

et gardez le meilleur"

J'aime les gens qui n'osent

s'approprier les choses

encore moins les gens

Ceux qui veulent bien n'être

Qu'une simple fenêtre

Pour les yeux des enfants

Ceux qui sans oriflamme

et daltoniens de l´âme

ignorent les couleurs

Ceux qui sont assez poires

pour que jamais l'histoire

leur rende les honneurs

J'aime les gens qui doutent

mais voudrais qu'on leur foute

la paix de temps en temps

Et qu'on ne les malmène

jamais quand ils promènent

leurs automnes au printemps

Qu'on leur dise que l'âme

fait de plus belles flammes

que tous ces tristes culs

Et qu'on les remercie

qu'on leur dise, on leur crie :

"Merci d´avoir vécu

merci pour la tendresse

et tant pis pour vos fesses

qui ont fait ce qu´elles ont pu".



Ecrire pour ne pas mourir


Que je sois née d'hier ou d'avant le déluge

J'ai souvent l'impression de tout recommencer

Que j'aie pris ma revanche ou bien trouvé refuge

Dans mes chansons, toujours, j'ai voulu exister

Que vous sachiez de moi ce que j'en veux bien dire

Que vous soyez fidèles ou bien simple passant

Et que nous en soyons juste au premier sourire

Sachez ce qui, pour moi, est le plus important

Oui le plus important


Écrire pour ne pas mourir

Écrire, sagesse ou délire

Écrire pour tenter de dire

Dire tout ce qui m'a blessée

Dire tout ce qui m'a sauvée

Écrire et me débarrasser

Écrire pour ne pas sombrer

Écrire, au lieu de tournoyer

Écrire et ne jamais pleurer

Rien que des larmes de stylo

Qui viennent se changer en mots

Pour me tenir le cœur au chaud


Que je vive cent ans ou bien quelques décades

Je ne supporte pas de voir le temps passer

On arpente sa vie au pas de promenade

Et puis on s'aperçoit qu'il faudra se presser

Que vous soyez tranquille ou plein d'inquiétude

Ce que je vais vous dire, vous le comprendrez

En mettant bout à bout toutes nos solitudes

On pourrait se sentir un peu moins effrayé

Un peu moins effrayé