 
    
    
      
    
      
    
      
    
      
    APOLLINAIRE, Guilaume
    
      
    
      
    
      
    Zone
  
    
      
    …..
    
      
    
      
    Voilà la jeune rue et tu n’es encore qu’un petit enfant
  
Ta mère ne t’habille que de bleu et de blanc
Tu es très pieux et avec le plus ancien de tes camarades René Dalize
Vous n’aimez rien tant que les pompes de l’Église
Il est neuf heures le gaz est baissé tout bleu vous sortez du dortoir en cachette
Vous priez toute la nuit dans la chapelle du collège
Tandis qu’éternelle et adorable profondeur améthyste
Tourne à jamais la flamboyante gloire du Christ
C’est le beau lys que tous nous cultivons
C’est la torche aux cheveux roux que n’éteint pas le vent
C’est le fils pâle et vermeil de la douloureuse mère
C’est l’arbre toujours touffu de toutes les prières
C’est la double potence de l’honneur et de l’éternité
C’est l’étoile à six branches
C’est Dieu qui meurt le vendredi et ressuscite le dimanche
C’est le Christ qui monte au ciel mieux que les aviateurs
Il détient le record du monde pour la hauteur
    …..
    
      
    Maintenant tu es au bord de la Méditerranée
  
Sous les citronniers qui sont en fleur toute l’année
Avec tes amis tu te promènes en barque
L’un est Nissard il y a un Mentonasque et deux Turbiasques
Nous regardons avec effroi les poulpes des profondeurs
Et parmi les algues nagent les poissons images du Sauveur
    …..
    
      
    Tu as fait de douloureux et de joyeux voyages
  
Avant de t’apercevoir du mensonge et de l’âge
Tu as souffert de l’amour à vingt et à trente ans
J’ai vécu comme un fou et j’ai perdu mon temps
Tu n’oses plus regarder tes mains et à tous moments je voudrais sangloter
Sur toi sur celle que j’aime sur tout ce qui t’a épouvanté
    
      
    Tu regardes les yeux pleins de larmes ces pauvres émigrants
  
Ils croient en Dieu ils prient les femmes allaitent des enfants
Ils emplissent de leur odeur le hall de la gare Saint-Lazare
Ils ont foi dans leur étoile comme les rois-mages
Ils espèrent gagner de l’argent dans l’Argentine
Et revenir dans leur pays après avoir fait fortune
Une famille transporte un édredon rouge comme vous transportez votre cœur
Cet édredon et nos rêves sont aussi irréels
Quelques-uns de ces émigrants restent ici et se logent
Rue des Rosiers ou rue des Écouffes dans des bouges
Je les ai vus souvent le soir ils prennent l’air dans la rue
Et se déplacent rarement comme les pièces aux échecs
Il y a surtout des Juifs leurs femmes portent perruque
Elles restent assises exsangues au fond des boutiques
    
      
    Tu es debout devant le zinc d’un bar crapuleux
  
Tu prends un café à deux sous parmi les malheureux
    
      
    Tu es la nuit dans un grand restaurant
  
    …..
    
      
    Tu es seul le matin va venir
  
Les laitiers font tinter leurs bidons dans les rues
    
      
    La nuit s’éloigne ainsi qu’une belle Métive
  
C’est Ferdine la fausse ou Léa l’attentive
    
      
    Et tu bois cet alcool brûlant comme ta vie
  
Ta vie que tu bois comme une eau-de-vie
    
      
    Tu marches vers Auteuil tu veux aller chez toi à pied
  
Dormir parmi tes fétiches d’Océanie et de Guinée
Ils sont des Christ d’une autre forme et d’une autre croyance
Ce sont les Christ inférieurs des obscures espérances
    
      
    Adieu Adieu
  
    
      
    Soleil cou coupé
    
      
    
      
    
      
    Automne malade
  
    
      
    Automne malade et adoré
  
Tu mourras quand l’ouragan soufflera dans les roseraies
Quand il aura neigé
Dans les vergers
    
      
    Pauvre automne
  
Meurs en blancheur et en richesse
De neige et de fruits mûrs
Au fond du ciel
Des éperviers planent
Sur les nixes nicettes aux cheveux verts et naines
Qui n’ont jamais aimé
    
      
    Aux lisières lointaines
  
Les cerfs ont bramé
    
      
    Et que j’aime ô saison que j’aime tes rumeurs
  
Les fruits tombant sans qu’on les cueille
Le vent et la forêt qui pleurent
Toutes leurs larmes en automne feuille à feuille
Les feuilles
Qu’on foule
Un train
Qui roule
La vie
    S’écoule
    
      
    
      
    
      
    Automne
  
    
      
    Dans le brouillard s’en vont un paysan cagneux
  
Et son boeuf lentement dans le brouillard d’automne
Qui cache les hameaux pauvres et vergogneux
    
      
    Et s’en allant là-bas le paysan chantonne
  
Une chanson d’amour et d’infidélité
Qui parle d’une bague et d’un coeur que l’on brise
    
      
    Oh! l’automne l’automne a fait mourir l’été
  
     Dans le brouillard s’en vont deux silhouettes grises
    
      
    
      
    
      
    La tzigane 
  
    
      
    La tzigane savait d’avance 
  
Nos deux vies barrées par les nuits
Nous lui dîmes adieu et puis
De ce puits sortit l’Espérance
    
      
    L’amour lourd comme un ours privé 
  
Dansa debout quand nous voulûmes
Et l’oiseau bleu perdit ses plumes
Et les mendiants leurs Ave
    
      
    On sait très bien que l’on se damne 
  
Mais l’espoir d’aimer en chemin
Nous fait penser main dans la main
    A ce qu’a prédit la tzigane
    
      
    
      
    
      
    Les fiançailles
  
    .....
    
      
    Mes amis m’ont enfin avoué leur mépris
  
Je buvais à pleins verres les étoiles
Un ange a exterminé pendant que je dormais
Les agneaux les pasteurs des tristes bergeries
De faux centurions emportaient le vinaigre
Et les gueux mal blessés par l’épurge dansaient
Étoiles de l’éveil je n’en connais aucune
Les becs de gaz pissaient leur flamme au clair de lune
Des croque-morts avec des bocks tintaient des glas
À la clarté des bougies tombaient vaille que vaille
Des faux-cols sur des flots de jupes mal brossées
Des accouchées masquées fêtaient leurs relevailles
La ville cette nuit semblait un archipel
Des femmes demandaient l’amour et la dulie
Et sombre sombre fleuve je me rappelle
    Les ombres qui passaient n’étaient jamais jolies
    
      
    .....
    
      
    
      
    
      
    Nuit rhénane
    
      
    
      
    Mon verre est plein d'un vin trembleur comme une flamme
  
Écoutez la chanson lente d'un batelier
Qui raconte avoir vu sous la lune sept femmes
Tordre leurs cheveux verts et longs jusqu'à leurs pieds
    
      
    Debout chantez plus haut en dansant une ronde
  
Que je n'entende plus le chant du batelier
Et mettez près de moi toutes les filles blondes
Au regard immobile aux nattes repliées
    
      
    Le Rhin le Rhin est ivre où les vignes se mirent
  
Tout l'or des nuits tombe en tremblant s'y refléter
La voix chante toujours à en râle-mourir
Ces fées aux cheveux verts qui incantent l'été
    
      
    Mon verre s’est brisé come un éclat de rire
    
      
    
      
    
      
    Le pont Mirabeau
    
      
    
      
    Sous le pont Mirabeau coule la Seine
    
      
                Et nos amours
    
      
           Faut-il qu'il m'en souvienne
    
      
    La joie venait toujours après la peine
    
      
     
    
      
         Vienne la nuit sonne l'heure
    
      
         Les jours s'en vont je demeure
    
      
     
    
      
    Les mains dans les mains restons face à face
    
      
                Tandis que sous
    
      
           Le pont de nos bras passe
    
      
    Des éternels regards l'onde si lasse
    
      
     
    
      
         Vienne la nuit sonne l'heure
    
      
         Les jours s'en vont je demeure
    
      
     
    
      
    L'amour s'en va comme cette eau courante
    
      
                L'amour s'en va
    
      
           Comme la vie est lente
    
      
    Et comme l'Espérance est violente
    
      
     
    
      
         Vienne la nuit sonne l'heure
    
      
         Les jours s'en vont je demeure
    
      
     
    
      
    Passent les jours et passent les semaines
    
      
                Ni temps passé 
    
      
           Ni les amours reviennent
    
      
    Sous le pont Mirabeau coule la Seine
    
      
     
    
      
         Vienne la nuit sonne l'heure
    
      
         Les jours s'en vont je demeure
    
      
    
      
    
      
    La chanson du Mal-Aimé
    
      
    
      
    …..
    
      
    
      
    Voie lactée ô sœur lumineuse
    
      
    Des blancs ruisseaux de Chanaan
    
      
    Et des corps blancs des amoureuses
    
      
    Nageurs morts suivrons-nous d’ahan
    
      
    Ton cours vers d’autres nébuleuses
    
      
    
      
    Regret des yeux de la putain
    
      
    Et belle comme une panthère
    
      
    Amour vos baisers florentins
    
      
    Avaient une saveur amère
    
      
    Qui a rebuté nos destins
    
      
    
      
    Ses regards laissaient une traîne
    
      
    D’étoiles dans les soirs tremblants
    
      
    Dans ses yeux nageaient les sirènes
    
      
    Et nos baisers mordus sanglants
    
      
    Faisaient pleurer nos fées marraines 
  
    
      
    Mais en vérité je l’attends
    
      
    Avec mon cœur avec mon âme
    
      
    Et sur le pont des Reviens-t’en
    
      
    Si jamais revient cette femme
    
      
    Je lui dirai Je suis content
    
      
    
      
    Mon cœur et ma tête se vident
    
      
    Tout le ciel s’écoule par eux
    
      
    Ô mes tonneaux des Danaïdes
    
      
    Comment faire pour être heureux
    
      
    Comme un petit enfant candide
    
      
    
      
    Je ne veux jamais l’oublier
    
      
    Ma colombe ma blanche rade
    
      
    Ô marguerite exfoliée
    
      
    Mon île au loin ma Désirade
    
      
    Ma rose mon giroflier
    
      
    
      
    Les satyres et les pyraustes
    
      
    Les égypans les feux follets
    
      
    Et les destins damnés ou faustes
    
      
    La corde au cou comme à Calais
    
      
    Sur ma douleur quel holocauste 
  
    
      
    Douleur qui doubles les destins
    
      
    La licorne et le capricorne
    
      
    Mon âme et mon corps incertain
    
      
    Te fuient ô bûcher divin qu’ornent
    
      
    Des astres des fleurs du matin
    
      
    
      
    Malheur dieu pâle aux yeux d’ivoire
    
      
    Tes prêtres fous t’ont-ils paré
    
      
    Tes victimes en robe noire
    
      
    Ont-elles vainement pleuré
    
      
    Malheur dieu qu’il ne faut pas croire
  
    
      
    Et toi qui me suis en rampant
  
Dieu de mes dieux morts en automne
Tu mesures combien d’empans
J’ai droit que la terre me donne
Ô mon ombre ô mon vieux serpent
    
      
    Au soleil parce que tu l’aimes
  
Je t’ai menée souviens-t’en bien
Ténébreuse épouse que j’aime
Tu es à moi en n’étant rien
Ô mon ombre en deuil de moi-même
    
      
    L’hiver est mort tout enneigé
  
On a brûlé les ruches blanches
Dans les jardins et les vergers
Les oiseaux chantent sur les branches
Le printemps clair l’avril léger
    
      
    Mort d’immortels argyraspides
  
La neige aux boucliers d’argent
Fuit les dendrophores livides
Du printemps cher aux pauvres gens
Qui resourient les yeux humides
    
      
    Et moi j’ai le cœur aussi gros
  
Qu’un cul de dame damascène
Ô mon amour je t’aimais trop
Et maintenant j’ai trop de peine
Les sept épées hors du fourreau
    
      
    Sept épées de mélancolie
  
Sans morfil ô claires douleurs
Sont dans mon cœur et la folie
Veut raisonner pour mon malheur
Comment voulez-vous que j’oublie
    
      
    …..
    
      
    
      
    
      
     Les colchiques
    
      
    
      
     Le pré est vénéneux mais joli en automne
  
Les vaches y paissant
Lentement s'empoisonnent
Le colchique couleur de cerne et de lilas
Y fleurit tes yeux sont comme cette fleur-la
Violatres comme leur cerne et comme cet automne
     Et ma vie pour tes yeux lentement s'empoisonne
    
      
    
      
     Les enfants de l'école viennent avec fracas
  
Vêtus de hoquetons et jouant de l'harmonica
Ils cueillent les colchiques qui sont comme des mères
Filles de leurs filles et sont couleur de tes paupières
     Qui battent comme les fleurs battent au vent dément
    
      
    
      
     Le gardien du troupeau chante tout doucement
  
Tandis que lentes et meuglant les vaches abandonnent
     Pour toujours ce grand pré mal fleuri par l'automne
    
      
    
      
    
      
    Signe
    
      
    
      
    Je suis soumis au Chef du Signe de l'Automne
  
Partant j'aime les fruits je déteste les fleurs
Je regrette chacun des baisers que je donne
Tel un noyer gaulé dit au vent ses douleurs
    
      
     Mon Automne éternelle ô ma saison mentale
  
Les mains des amantes d'antan jonchent ton sol
Une épouse me suit c'est mon ombre fatale
     Les colombes ce soir prennent leur dernier vol
    
      
    
      
    
      
     A la Santé
    
      
    …..
    
      
     IV
    
      
    
      
     Que je m’ennuie entre ces murs tout nus
  
Et peint de couleurs pâles
Une mouche sur le papier à pas menus
     Parcourt mes lignes inégales
    
      
    
      
     Que deviendrai-je ô Dieu qui connais ma douleur
  
Toi qui me l’as donnée
Prends en pitié mes yeux sans larmes ma pâleur
     Le bruit de ma chaise enchainée
    
      
    
      
     Et tous ces pauvres coeurs battant dans la prison
  
L’Amour qui m’accompagne
Prends en pitié surtout ma débile raison
     Et ce désespoir qui la gagne
    
      
    …..
    
      
    
      
    
      
  
    IL PLEUT
    
      
    
      
    
      
    
       
    
    
      
    
      
    
      
    
      
    
      
    La petite auto
  
    .....
    
      
    
      
    
       
    
    
      
    
      
    .....
    
      
    
      
    
      
    
      
    Cœur couronne et miroir
    
      
    .....
    
      
    
      
    
       
    
  
    .....