CAYROL, JEAN
    
      
    
      
    On a volé mon rire
  
    
      
    On a volé mon rire et mes éclats de joie
  
et ma mine réjouie et mes yeux pétillants
et mon hilarité et mes sourires d'enfant,
entre deux guerres, entre deux camps d'effroi.
    
      
    On a volé mon rire, les nazis, la police.
  
Je pouffais quelquefois pour un rien.
Je me laissais aller à la moindre malice.
On n'est plus amuseur, quand, soudain, on revient.(...)
    
      
    On a volé mon rire et tout me fait si mal
  
Et j'ai perdu la clé de mon heureux trésor.
    
      
    O ma gaieté surprise, ô mon dieu d'autrefois!
    
      
    
      
    
      
    Écrit sur le mur
  
    
      
    J’appartiens au silence
  
à l’ombre de ma voix
aux murs nus de la Foi
au pain dur de la France.
    
      
    J’appartiens au retour
  
à la porte fermée
Qui frappe dans la cour
qui fredonne la paix ?
    
      
    L’aube nourrit la terre
  
à la source du feu
J’appartiens au ciel bleu
    qui souffre sur la pierre.
    
      
    
      
    
      
    Et pourquoi pas la rose,
  
    
      
    Et pourquoi pas la rose,
  
dit le poète clos,
avec bien peu de chose
je vous fais un sanglot.
    
      
    La rose se repent
  
pétale après pétale
la rose qui se vend
après la bacchanale
    
      
    la rose au cœur de pierre
  
qui tombe avec la foudre
la rose qui passe outre
aux amants sans hiver
    
      
    La rose débusquée
  
moite, molle, mêlée
aux chardons,
aux liserons
la rose qui m’a quitté.
    
      
    La rose qui fait des scènes,
  
tandis que ses épines
sur les tempes divines
n’ont plus rien qui les gênent.
    
      
    Et la rose empaillée
  
que la vieillesse oblige
la rose retraitée
où le printemps se fige.
    
      
    Mais la rose
  
qui ose sa mort,
    
      
    la rose
  
qu’on remet
    dans les plis de la Cause.
    
      
    
      
    
      
    Iris en ruine
  
    
      
    Iris en ruine
  
tout défait par le souffle
et brusquement
craquant comme une momie,
croqué
un pain sans mie,
un matin sans tranchant.
    
      
    Au-dessus d’un baquet
  
parmi ses javelots luisants
un enfant cherche le quai,
le pays troublant.
    
      
    Iris sans personne,
  
petit parchemin déroulé
qui parle de ma Garonne,
tu reprends dans la mort
l’apparence d’une bête
sur laquelle on met le pied.
    
      
    Et c’est sa graine
  
comme une figue inutile
que personne ne dévore
une graine de garenne.
    
      
    Iris de charme
  
décoiffé,
pavillon pour une fée,
Iris en larmes.
    
      
    Iris de la folie
  
comme une tombe déserte
Adieu les journées vertes,
ma fleur de l’huis.