CLAUDEL, Paul
    
      
    
      
    La Vierge à Midi
  
    
      
    Il est midi. Je vois l'église ouverte. Il faut entrer.
  
Mère de Jésus-Christ, je ne viens pas prier.
    
      
    Je n'ai rien à offrir et rien à demander.
  
Je viens seulement, Mère, pour vous regarder.
    
      
    Vous regarder, pleurer de bonheur, savoir cela
  
Que je suis votre fils et que vous êtes là.
    
      
    Rien que pour un moment pendant que tout s'arrête.
  
Midi !
Etre avec vous, Marie, en ce lieu où vous êtes.
    
      
    Ne rien dire, mais seulement chanter
  
Parce qu'on a le coeur trop plein,
Comme le merle qui suit son idée
En ces espèces de couplets soudains.
    
      
    Parce que vous êtes belle, parce que vous êtes immaculée,
  
La femme dans la Grâce enfin restituée,
    
      
    La créature dans son honneur premier
  
Et dans son épanouissement final,
Telle qu'elle est sortie de Dieu au matin
De sa splendeur originale.
    
      
    Intacte ineffablement parce que vous êtes
  
La Mère de Jésus-Christ,
Qui est la vérité entre vos bras, et la seule espérance
Et le seul fruit.
    
      
    Parce que vous êtes la femme,
  
L'Eden de l'ancienne tendresse oubliée,
Dont le regard trouve le coeur tout à coup et fait jaillir
Les larmes accumulées,
    
      
    Parce qu'il est midi,
  
Parce que nous sommes en ce jour d'aujourd'hui,
Parce que vous êtes là pour toujours,
Simplement parce que vous êtes Marie,
Simplement parce que vous existez,
    
      
    Mère de Jésus-Christ, soyez remerciée !
  
    
      
    
      
    Le chemin de la Croix
  
Neuvième Station
    
      
    Je suis tombé encore et cette fois, c’est
  
la fin.
Je voudrais me relever qu’il n’y a pas
moyen.
Car on m’a pressé comme un fruit et
l’homme que j’ai sur le dos est trop
lourd.
J’ai fait le mal, et l’homme mort avec
moi est trop lourd !
Mourons donc, car il est plus facile
d’être à plat ventre que debout,
Moins de vivre que de mourir, et sur la
croix que dessous.
Sauvez-nous du Troisième péché qui est
le désespoir !
Rien n’est encore perdu tant qu’il reste
la mort !a boire !
Et j’en ai fini de ce bois, mais il me
reste le fer !
Jésus tombe une troisième fois, mais
cC’est au sommet du Calvaire